Politique-Elections : La place de la femme mérite un repositionnement

Dans le but de promouvoir la participation des femmes aux postes de  prise  de décisions, la Constitution du Burundi prévoit un quota de 30 % de femmes dans le gouvernement, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Malgré ces avancées significatives et salutaires, l’engagement politique féminin laisse toujours à désirer. En tant que pilier du développement, sa participation dans la vie politique du pays doit être améliorée pour lui permettre de contribuer pleinement à l’atteinte de la vision 2040-2060 de notre pays, note Emérence Bucumi, Présidente du forum national des femmes.

D’après une étude menée en 2023 par l’Association des femmes rapatriées du Burundi(Afrabu), le quota de 30 % des femmes dans les instances de prise des décisions a donné beaucoup d’avancées significatives ces dernières années. « L’évolution du niveau de la participation des femmes et des filles est passée de 17 % en 2016 à 31.9 % en 2023, soit une amélioration de 5,2 % », lit-on dans cette étude.Toujours à travers cette dernière, il est constaté que le Burundi compte aujourd’hui 41 % des femmes parlementaires grâce à ce quota.

Néanmoins, la même étude démontre que la participation des femmes en tant que cheffes collinaires n’est que de 8 % contre 19 % des femmes dans les Conseils communaux. Cela laisse comprendre que l’implication des femmes dans l’administration de base reste minime, ce qui handicape le développement de la femme au niveau communautaire, déplore Bucumi.

Le poids de la culture, un handicap

Selon Bucumi Emérence, la culture est l’une des barrières à l’engagement politique des femmes. « Le rôle que la société attribue à la femme la bloque énormément. Femme au foyer, qui doit rentrer tôt alors que des fois, les rencontres des acteurs politiques se font tard aux heures avancées, et en plus de cela, elle doit avoir la permission du mari, etc. » explique-t-elle.

Elle estime, en effet, qu’il est difficile de se faire élire sans l’autorisation du mari. « La femme burundaise qui veut faire carrière en politique a besoin de l’accord de son mari pour ne pas mettre en danger son foyer. Et sans foyer, son image est ternie auprès de son électorat » a-t-elle fait remarquer. Certains maris empêchent, dit-elle, leur femme de participer en politique. « Ils pensent  que ça conduirait   leurs femmes  à les désobéir.»

La faible représentativité des femmes dans les organes dirigeants des partis politiques et dans d’autres instances de prise de décision est liée au statut social d’une femme dans la société burundaise. « Les relations homme-femme font en sorte que le rôle de la femme est confiné à la seule reproduction. Bref, la culture est à l’origine de cette faible participation politique des femmes.», constate-t-elle.

Un autre obstacle, selon toujours la présidente du Forum, c’est le défaut de temps qui empêche les femmes à s’engager activement dans les partis politiques surtout dans la direction des partis politiques. «Etre membre d’un organe dirigeant d’un parti exige plus d’engagement et plus de temps qu’un simple membre. Tu dois participer régulièrement aux réunions du parti, faire des descentes sur le terrain pour des fins de propagande, de sensibilisation et de recrutement des membres », indique-t-elle. Or, le temps d’une femme burundaise a toujours été limité, surtout dans les milieux ruraux où les femmes doivent s’occuper des travaux ménagers, ajoute-t-elle.

Femme, pilier dans l’atteinte des objectifs de la vision nationale 2040–2060

Pour Nancy Ninette Mutoni, secrétaire exécutif de la Commission Vérité et Réconciliation, le rôle de la femme est prépondérant  dans la réalisation de la vision 2040-2060 et touche tous les domaines du développement intégral du pays.  Cette femme politique qui a occupé de hautes fonctions au sein du gouvernement du Burundi dans ces dernières années constate que développement durable du pays est le résultat des efforts conjugués des hommes y compris les femmes vu qu’elles constituent une frange importante de la population. Pour elle, la femme doit être soutenue pour que «personne ne soit laissée de côté »  dans cette vision, martèle-t-elle. Et à elle d’ajouter que la participation des femmes dans la politique leur permet d’ouvrir les horizons et avoir une nouvelle vision du monde.

Des aspirations…

La constitution a tranché en faveur de la femme, dixit Bucumi. Malheureusement, elles sont encore peu nombreuses dans le gouvernement. « On dirait qu’on est limitée à 30 % dès 2005. Jusqu’à maintenant, la situation est toujours pareille et ces 30 % ne sont pas bien respectés partout.», précise-t-elle. Elle souligne que par contre le quota de 30 % devait être bien respecté, voire augmenter pourquoi pas voir le Burundi atteindre 50 % de parité et de participation des femmes dans les instances de prise des décisions. « Le quota de 30 %, c’est un minimum» rappelle-t-elle.

Encore moins, il faut revoir la manière dont les listes des partis politiques sont confectionnées laissant les femmes elles aussi venir en première position. « Je rêve qu’un jour, on verra les listes bloquées sur lesquelles  alternent les noms et prénoms des hommes et des femmes  et non de faire commencer ceux des hommes pour mettre ceux d’une femme en troisième position. Il n’est pas question que la femme reste toujours en arrière. » fait-elle-remarquer.

Pour Bucumi, toutes ces conditions réunies permettront aux femmes de franchir des postes jusque-là non encore occupées par les femmes comme la Présidente du Sénat, de l’Assemblée Nationale, la primature, pourquoi pas la présidence.

Pour clore, Madame Mutoni indique que les femmes burundaises doivent avoir une culture politique d’élire et de se faire élire en choisissant parmi elles les candidates capables de gouverner avec des projets solides pour le développement de la femme en particulier et du pays en général. Et d’ajouter qu’il faut aussi adopter et mettre en œuvre des projets et programmes permettant à la femme d’avoir des moyens de se faire élire et d’élire mais aussi encourager celles qui ont déjà franchi le cap de sensibiliser davantage les  autres femmes dans ce processus.  

Laisser un commentaire